Mali : de nouvelles présidentielles sous tensions
- Forum des Affaires Mondiales
- 12 sept. 2018
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Mi-août de nouvelles élections ont eu lieu au Mali, opposant le président sortant : Ibrahim Boubakar Keïta (dit « IBK »), à dix-huit autres candidats. C'est le président sortant qui a été réélu pour un second quinquennat, à 73 ans il reprend la tête d’un pays plus que jamais confronté à la menace djihadiste et à l'instabilité politique.
Des élections controversées. Au pouvoir depuis 2013, IBK a une nouvelle fois gagné au second tour de l’élection présidentielle ce 16 août face à Soumaïla Cissé (avec 67,17% des voix), contre qui il avait déjà gagné en 2013 (avec 77,60% des voix). Une annonce immédiatement saluée par certains pays de la communauté internationale, comme le montre le message du Président français Emmanuel Macron à IBK.
Or, dès l’annonce des résultats, les adversaires de ce dernier ont appelé les Maliens à se « lever face à la dictature de la fraude ». Un appel qu’ils justifient également par le fort taux d’abstention lors de ces élections : 56,94% au premier tour et 65,46% au second.
La présence militaire a été renforcée à hauteur de 30 000 hommes pour ce second tour, mais les violences n’ont toutefois pas été totalement enrayées comme l'illustre le meurtre d’un président de bureau de vote près de Tombouctou, dans le nord du pays. Une attaque a priori menée par des djihadistes. Au total, sur les 43 000 bureaux de votes du pays, « seuls » 490 n’ont pas pu ouvrir dû à l’instabilité des lieux.
Recours à la Cours Constitutionnelle malienne. La Cours Constitutionnelle malienne a validé mi-août la victoire d’IBK, rejetant par la même occasion « tous les recours soumis par l’opposition », une opposition qui dénonce une « mascarade » et dont les partisans ont défilé dans les rues de plusieurs grandes villes du pays jusqu’à fin août. Des manifestations sous hautes tensions et escortées par des militaires et policiers en tenues anti-émeutes. Les prochaines marchent pacifiques en faveur de M. Cissé sont prévues pour le 15 septembre et certainement encore après.
Un accord de paix au centre de toutes les attentions. Alors que le bilan de la première présidence d’IBK reste mitigé et qu’une part de la population nourrit une défiance grandissante face à son gouvernement, IBK aura plusieurs tâches délicates à régler lors de son second mandat.
Il aura tout d’abord pour mission de perdurer et consolider un accord de paix signé en 2015. Cet accord signé à Alger avec l’ex-rébellion malienne - à dominante touareg –, a mis du temps avant de se concrétiser et d’aboutir à de réelles avancées pour la sécurité des civils. Le journal Le Monde souligne ici « les contretemps » accumulés dans sa mise en œuvre et regrette son impuissance à empêcher « les violences de se propager dans le nord et le centre du pays, ainsi que le Burkina-Faso et Niger voisins ». Les médias internationaux regrettent eux aussi un accord qui a « tergiversé » et des pressions onusiennes trop faibles pour pousser à l'action.
Une situation que devra défendre la nouvelle Ministre chargée des Affaires Étrangères et de la Coopération Internationale : Kamissa Camara, à tout juste 34 ans cette américano-franc-malienne passée par la France, les États-Unis et la Tunisie a déjà été conseillère diplomatique au près d’IBK lors de son précédent mandat et maîtrise donc bien les exigences et enjeux de ce dossier.
Communauté internationale et Conseil de Sécurité de l’ONU. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a décidé fin août de proroger d'un an le régime général de sanctions contre le Mali, et ce après la remise d’un rapport d’experts accusant certains hauts-responsables militaires maliens de contrevenir à l’accord et sa progression.
Cette décision unanime des quinze membres du Conseil de Sécurité, ouvre la voie à l’imposition de sanctions individuelles contre ces responsables et plus généralement contre toute personne contrevenant à l’accord. Ces sanctions pourraient prendre la forme de gels d’avoir et d’interdiction de voyager. De nouvelles mesures que la Russie et la Chine accueillent de manière frileuse et encore incertaine, pour des raisons que l’on devine aisément et liées à leur propre agissement au Moyen-Orient notamment.
Face à un accord critiqué et servant de vernis, l’ambassadrice adjointe de la France à l’ONU, Anne Guegen, dénonce des progrès jusqu’alors « insuffisants » et estime que le « temps des avertissements est terminé ». Une déclaration soutenue par son homologue britannique, Jonathan Allen : « Nous avons besoin de voir des progrès de toutes les parties ».
Une déclaration quasi-commune qui vient s’ajouter au rapport pointant une « répétition inquiétante des violations des droits de l’homme des civils par des forces de sécurité » lors d’opérations anti-terroristes. Des dérives et erreurs reconnues par Bamako.
Le premier tour des législatives, attendu le 28 octobre, est attendu par beaucoup de Maliens. Sera-t-il une nouvelle fois révélateur de l'instabilité du pays ? Ou bien le premier pas vers un développement politique et sociale plus transparent ?
* Utilisation du masculin pour simplifier le texte.
Sources :
- https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/08/31/mali-l-onu-ouvre-la-voie-a-des-sanctions-contre-des-membres-de-groupes-armes_5348395_3212.html
Illustrations :
- AFP & Reuters
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