Laos/Corée du Sud : comment le business des barrages met en danger les populations
- Forum des Affaires Mondiales
- 14 sept. 2018
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Le 23 juillet dernier, un barrage en cours de construction s’est effondré dans la province d’Attapeu au Laos. Ce tragique évènement représente une catastrophe sociale et environnementale et interroge également sur les conséquences d’un développement économique qui ne prend pas en compte les populations et l’environnement.
En 2011, un projet ambitieux avait été signé entre les gouvernements laotien et sud-coréen. Ce dernier avait convenu de verser un fond qui allait servir à financer en partie la construction de barrages au Laos. Ce fond de développement de coopération économique (EDCF) a été versé à la firme de construction sud-coréenne SK E&C et à la compagnie d’électricité Korea Western Power Company.
Chacun y trouvait alors son compte : le ministère sud-coréen avait permis aux entreprises de son pays de générer des bénéfices économiques et le Laos satisfaisait ses ambitions de devenir « la pile de l’Asie du Sud-Est », tout en apportant l’électrification à sa population. Malheureusement, le 23 juillet, un de ces barrages en construction s’est effondré dans le sud-est du Laos et les quelques cinq milliards de mètres cubes d’eau qu’il retenait ont submergé des villages entiers. Le bilan humain est lourd : 131 personnes sont portées disparues, 26 corps ont été retrouvés et plus de 6000 personnes se retrouvent sans abri. Le bilan environnemental l’est tout autant, car la multiplication de ces projets de barrages a des répercussions néfastes sur la faune et la flore de la vallée du fleuve Mékong : dégradation des écosystèmes fluviaux, chute de la biodiversité des espèces, etc.
L’évènement rappelle d’autres effondrements de barrages en Asie, dont un en 1975 dans la province du Henan en Chine qui avait fait plus de 20000 victimes. Les ONG avaient pourtant prévenu les gouvernements sur les risques de ces projets de construction et sur l’incapacité des entreprises de construction à sécuriser entièrement leurs projets. Maureen Harris d’International Rivers, une ces ONG, parlait d’ailleurs de « l’inadéquation des systèmes d’alerte », alors que les survivants se plaignaient d’avoir été avertis trop tard de la catastrophe.
Le pays communiste a prévu la construction d’une centaine de barrages sur son sol d’ici à 2040. Il ambitionne de devenir le premier producteur d’électricité dans la région du Bas-Mékong, et de la revendre à ses voisins, notamment le Vietnam et la Thaïlande. Le Laos décidant de ces constructions de façon unilatérale, cela crée également des tensions avec les pays limitrophes comme le Vietnam, sur lequel passe le fleuve Mékong.
Les entreprises sud-coréennes et les deux gouvernements pourront difficilement échapper aux critiques. D’autant que le président du groupe SK (dont SK E&C est une filiale) prône régulièrement les valeurs sociales du groupe. Pour les habitants des régions sinistrées qui vivent depuis des générations de l’agriculture et de la pêche et qui n’ont pas eu leur mot à dire sur l’installation de ces barrages, c’est une catastrophe. Bien trop souvent, la prise de décision occulte un développement durable et pérenne au profit de bénéfices à court-terme. Et ce sont la population et l’environnement qui doivent en subir les conséquences.
* Utilisation du masculin pour alléger le texte.
Paola Cura
Sources :
- image provenant de: https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/le-laos-en-peril-face-aux-constructions-frenetiques-de-barrages-etrangers_126178 et crédits: AFP - NHAC NGUYEN
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