Iran & États-Unis : valse-hésitations entre sanctions et entente
- Forum des Affaires Mondiales
- 27 août 2018
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 févr. 2019
L’Accord Nucléaire Iranien (ANI), signé à Vienne en 2015, est devenu cet été la nouvelle cible de l’imprévisible dirigeant américain. Après les frappes en Syrie, ses relations ambiguës avec la Russie et le rapprochement diplomatique nord-coréen, le président des États-Unis s’attaque maintenant à cet accord qu’il a plusieurs fois qualifié de « désastreux » durant sa campagne électorale.
Qu'est-ce que l'ANI? En 2000, l’Iran a entamé un programme nucléaire complet afin de se doter de l’arme atomique. Une décision qui a inquiété et qui inquiète encore de nombreuses puissances étrangères. En 2006, ce programme nucléaire a atteint un nouveau palier concernant la stabilité de l'enrichissement de l'uranium, et malgré les avertissements de la communauté internationale, le berceau de la Perse n’a cessé de tester et améliorer sa technologie et ses connaissances de l’arme absolue.
Quelles sanctions? Quels effets? Face à cette situation, l’ONU est intervenue et a infligé à l’Iran des sanctions économiques touchant symboliquement ses plus gros postes de revenus : les ventes pétrolières, d’armes et les transactions financières. L’effet escompté a été partiellement atteint puisque le pays est paralysé depuis une dizaine d’années. Mais la perspective d’intégrer le cercle des détenteurs de l’arme atomique est la plus forte et l’Iran a inlassablement poursuivi son programme nucléaire, en composant tant bien que mal avec les sanctions infligées.
Quelle a été la réaction de la communauté internationale? En 2015, les cinq pays membres du Conseil de Sécurité de l’ONU ainsi que l’Allemagne, l’UE et l’Iran se réunissent pour poser les bases de l’Accord Nucléaire Iranien – également appelé « Joint Comprehensive Plan of Action » (JCPOA).
Un accord qui lève les sanctions économiques décidées il y a une dizaine d’années, et posent certaines conditions :
1. L’Iran doit se séparer de 97% de son stock d’uranium enrichi.
2. L’uranium restant ne peut être enrichi à plus de 3,67% pendant 15 ans.
Un taux retenu car suffisant pour un usage civil (centrales nucléaires) mais pas pour un usage militaire (sous-marins, torpilles, missiles etc).
3. L’Iran doit également abandonner les deux tiers de ses centrifugeuses (usines permettant d’enrichir l’uranium), passant alors d’un nombre d’environ 18 000 à 5 000.
4. Enfin l’accord prévoit des inspections très strictes et régulières des centres et usines par l’Agence Internationale de la Sécurité Atomique (AISA). Ceci afin de contrôler le respect des conditions de l’accord par le pays.
Pourquoi Trump juge-t-il cet accord « désastreux » ? La levée des sanctions économiques, lors de la signature de l’ANI a certes permis à l’Iran, dans un premier temps, de récupérer ses fonds jusqu’alors gelés dans les banques internationales. On parle ici de plusieurs centaines de millions de dollars, parfois même en liquide. Des sommes qui auraient ensuite pu servir à financer les actions du Hezbollah ou de volontaires en Syrie.
Dans un second temps, Donald Trump a martelé que l’accord ne résoudrait en rien le problème du nucléaire iranien, mettant en avant l’engagement pris par l’Iran sur quinze ans et le risque, si l’accord n’est pas renouvelé à la fin de cette période – que l’Iran n’aura plus qu’à reprendre ses recherches en nucléaire militaire, là où il les avait interrompues.
Enfin, l’accord ne couvre pas les avancées techniques de la balistique iranienne (comme les missiles). Les missiles et engins militaires continuent donc d’être développés et améliorés, de telle sorte que dans une dizaine d’année – à la fin de l’accord et une fois la technologie nucléaire maîtrisée - le pays n’aura plus qu’à mettre ses ogives à charge atomique sur ses missiles.
Trump ne fait pas le même pari sur l’avenir que son prédécesseur. Cet ANI a donc été un pari sur l’ouverture et la démocratisation de l’Iran entre 2005 et 2020. Un pari pris par l’administration Obama et les pays cosignataires de l’entente, mais que le nouveau président américain refuse aujourd’hui.
Début mai 2018, ce dernier a annoncé se retirer de l’accord et Téhéran a alors immédiatement menacé de reprendre son programme nucléaire, si l’accord venait à s’effondrer. Les pays cosignataires ont déploré l’attitude américaine et restent quant à eux dans l’accord. L’Iran, face à ces réactions, s’est dit prête à respecter les conditions de l’accord jusqu’à la fin de ce dernier... mais c’était sans compter sur la pugnacité et l’agressivité qui sembleraient caractériser le président américain. Entre ultimatums follement tweetés (« Ne menacez plus jamais les États-Unis ») et allocutions télévisuelles iraniennes annonçant une possible « mère de toutes les guerres », l’escalade verbale n’a cessé entre les deux pays ces derniers mois.
Résultats de ces tensions : des sanctions unilatéralement décidées par Washington contre Téhéran. Des sanctions (effectives en novembre 2018) visant le secteur pétrolier et bancaire et les échanges de métaux précieux, les achats de dollars et le secteur automobile (effectives dès août 2018). Des décisions lourdes de conséquences pour les Iraniens qui ont vu la valeur de leur monnaie s’effondrer, l’inflation s’envoler et leurs conditions de vie se dégrader. Une conséquence recherchée par l’administration Trump, soucieuse de « renverser le régime en tête » (J. Bolton).
Un conflit qui atteint l’UE et des points stratégiques du Golfe Persique. En réaction, les Gardiens de la révolution - l'unité d'élite du régime iranien - ont menacé de fermer le détroit d'Ormuz, par lequel transite une grande partie du pétrole du Golfe et qui constitue donc un haut-lieu stratégique de la région.
L’UE, contrainte par Washington de choisir son camp, met tout en œuvre pour trouver un compromis et sauver ses relations avec Téhéran. Comme l’illustre la « loi blocage » ressortit début août 2018 pour encourager les entreprises européennes à rester dans le pays.
Tentatives malheureusement vaines lorsqu’on observe les départs massifs des entreprises européennes et mondiales en dehors de l’Iran.
* Utilisation du masculin pour alléger le texte.
Sources :
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