L’Inde, Facebook et la neutralité d’Internet
- Margaux Dhuicq
- 18 sept. 2016
- 3 min de lecture
Liberté, égalité ... neutralité ? La neutralité d’internet est un principe déclaré voulant que les fournisseurs d’accès à internet traitent de manière égale le trafic en ligne. C’est notamment grâce à ce principe qu’une personne visionnant des vidéos sur la plateforme Netflix bénéficie de la même vitesse de téléchargement qu’une personne faisant ses courses sur le site Amazon. Mais...
Le rôle de Facebook. Le géant américain des réseaux sociaux développe actuellement une nouvelle application destinée au monde entier, « Facebook Free Basics » (FFB), qui revendique deux caractéristiques claires et efficaces : une application gratuite et aucune consommation de data. Concrètement, FFB donne accès à un internet que l’on pourrait qualifié d’« allégé » : un moteur de recherche, quelques sites d’actualités et de météo, Wikipédia et bien-sûr ... ses propres sites comme WhatsApp, Instagram ou Messenger.
Le fondateur du géant technologique poursuit ici un double objectif :
connecter le plus d’internautes possible à son réseau,
pénétrer les marchés très prometteurs, dont le marché indien (Facebook vise une population de 1,3 milliard d’individus, dont seulement 252 millions ont actuellement accès à Internet).
Une exception indienne qui s’affirme. Mais bien qu’étant d’ores et déjà actif dans 35 pays émergents du globe, FFB ne sera toutefois ... pas déployé en Inde. En effet, le régulateur indien des télécoms (TRAI) voit en cette évolution de l’application une menace contre la neutralité du web : il estime, notamment, que l’application installe une concurrence déloyale entre les opérateurs du pays. Cette dernière se traduirait par des différences de prix trop importantes entre des « grands opérateurs », proposant des tarifs trop avantageux, par rapport aux « plus petits opérateurs » ne pouvant pas suivre de tels rabais. Une situation, sur le long-terme, qui mènerait à un dangereux monopole (une situation pourtant déjà prononcée aujourd’hui dans le secteur des télécoms indiens, voire de chaque nation). Une vision que le président du TRAI a expliqué ainsi : « Tout ce qui est sur Internet est indépendant par essence et ne saurait être facturé de manière différente ».
Qu’en disent les experts ? Vishal Misra, professeur d’informatique à l’université Columbia de New York, s’est exprimé sur le sujet dans The Hindu, et n’a pas hésité à présenter l’Inde comme le chef de file du mouvement mondial du « Net Neutrality ». L’universitaire souligne le fait que la concurrence se doit d’être la plus « loyale » possible entre fournisseurs d’accès à Internet (Bell, Rogers...) et fournisseurs de contenus (Youtube, Facebook...), à l’image d’une compagnie d’électricité qui ne pourrait imposer une marque de téléviseurs ou d’électroménagers à ses clients.
Sanctions. FFB est donc persona non grata au pays de Gandhi et son géniteur essuie ainsi un deuxième revers en moins d’un an, puisque l’application a également été interdite en Egypte (pour pratiquement les mêmes raisons).
Cette position peut-elle avoir un impact sur les relations bilatérales Inde/États-Unis ? Cette décision représente évidemment un manque à gagner important pour Facebook qui visait l’énorme marché Indien (par son nombre d’habitants et son taux moyen de connexion à internet). Les spécialistes attendent maintenant de voir comment va réagir le géant de Palo Alto, d’autant plus que le Congrès américain vient de voter une loi contre la « Net Neutrality » aux Etats-Unis, sous l’influence du président américain et de puissants lobbyings.
Ce combat feutré entre grandes puissances n'est pas sans rappeler la lutte profonde entre les fondements ... et surtout les réalités, du "Privacy Shield" américain, né en 2016, et les principes du Règlement Général sur la Protection des Données ("RGPD" ou "GDRP") européen, qui entrera en vigueur le 25 mai 2018.
* Utilisation du masculin afin d'alléger le texte.
Sources :

Comments